Alors que les plans de mobilité sont une obligation depuis le 1er janvier 2018, les entreprises qui y sont soumises rechignent à y satisfaire. En cause, des sanctions qui restent symboliques, mais aussi une perception difficile de ce que cela peut apporter concrètement en termes de résultats.
Lorsque beaucoup voient l’obligation légale comme la partie émergée de l’iceberg, s’intéresser très sérieusement à sa partie immergée permet d’obtenir des bénéfices et de réussir une transition vers une mobilité plus vertueuse et plus économique.

L’obligation légale

L’article 51 de la 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte impose à toute entreprise, si elle se trouve dans le périmètre d’un Plan de Déplacement Urbain (PDU) et si elle regroupe au moins cent travailleurs sur un même site, d’élaborer un Plan de Mobilité (PdM) pour améliorer la mobilité de son personnel et encourager l’utilisation des transports en commun et le recours au covoiturage. Plusieurs entreprises situées sur un même site peuvent mutualiser leurs efforts et de réaliser un Plan de Mobilité InterEntreprises (PMIE).

Cette obligation est effective à partir du 1er janvier 2018. Actuellement, si l’entreprise ne respecte pas cette obligation, elle se prive du support technique et financier de l’ADEME. Devant le peu d’empressement des entreprises, des sanctions plus contraignantes seraient actuellement à l’étude.

Les objectifs mis en avant sont :

  • l’optimisation et l’augmentation de l’efficacité des déplacements liés à l’activité de l’entreprise, en particulier ceux de son personnel,
  • la diminution des émissions de gaz à effet de serre et des polluants atmosphériques,
  • la réduction de la congestion des infrastructures et des moyens de transport.

Le Plan de Mobilité contiendra alors a minima :

  • une évaluation de l’offre de transport existante et projetée
  • une analyse des déplacements domicile / travail et des déplacements professionnels
  • un programme d’actions adapté à la situation de l’établissement
  • un plan de financement et un calendrier de réalisation des actions
  • les modalités de son suivi et de ses mises à jour.

Néanmoins le plan d’action ne se limite pas à l’encouragement de l’utilisation des transports en commun et du covoiturage, mais inclut tous les moyens possibles alternatifs à l’utilisation d’un véhicule individuel, tels que l’autopartage, la marche, l’usage du vélo ou des micromobilités. L’organisation du travail, le recours au télétravail et aux moyens de visioconférence, les outils collaboratifs, les tiers-lieux, la flexibilité des horaires sont également un axe de développement d’actions, tout comme l’organisation de la logistique – livraisons et expéditions – et celle de la flotte des véhicules d’entreprise.

Alors, facile de réaliser un Plan de Mobilité ? On pourrait le penser, car il y a peu d’actions possibles dont on ne sache faire la description, proposer la mise en œuvre et trouver les prestataires de service à même de nous aider à les déployer.

Les difficultés récurrentes

Et pourtant, à l’exception peut-être du télétravail qui connaît un beau déploiement (en 2016, 16,7% des employés français télétravaillent selon le cabinet RH Kronos), la situation ne s’améliore guère.

Malgré de nombreux acteurs et de nombreuses initiatives d’Autorités Organisatrices et d’Opérateurs de Transport, le covoiturage quotidien ne prend pas son essor. En Île-de-France, moins d’un déplacement sur dix lié au travail est covoituré, et le taux de remplissage moyen est inférieur à 1,2 personne par véhicule.

Les encombrements routiers sont toujours plus nombreux. Une étude récente de V-Traffic met en évidence une augmentation de 10,5% des bouchons en Île-de-France entre 2016 et 2017, et une estimation d’Inrix indiquait en 2014 un coût annuel des bouchons en France de 17 milliards d’euros, et une augmentation prévisible de ce coût à 22 milliards d’euros à l’horizon 2030.

Quant au vélo, avec une part modale de 2,5%, son potentiel de développement reste extrêmement important, et un long chemin reste à faire avant de rivaliser avec les cyclistes hollandais ou danois.

La marche, moyen essentiel de rabattement vers les stations et arrêts de transports publics ou de diffusion sur les dernières centaines de mètres, trouve souvent ses limites face aux contraintes vécues par les personnes à mobilité réduite, tout comme les transports publics ou d’autres moyens de déplacement.

Quels sont alors les leviers à actionner pour que les prometteuses actions décrites dans le Plan de Mobilité se transforment en de nouveaux usages que dont on saura mesurer les bénéfices ?

La partie émergée de l’iceberg…

Généralement, le Plan de Mobilité d’Entreprise offre un diagnostic très détaillé de la situation, avec force tableaux, graphiques ou représentations cartographiques, œuvre d’ingénieurs, de géographes et de sociologues talentueux, et permet l’identification de nombreux axes d’actions. Il contient également un échantillonnage précis des moyens à développer pour faire évoluer les usages, avec un plan d’action à mettre en œuvre et à financer.

… et sa partie immergée

C’est à ce moment que les difficultés apparaissent, lorsqu’il s’agit de passer de la planification au déploiement et à l’usage régulier, passer du monde documentaire au monde réel. En revanche, lorsque ces difficultés sont aplanies, un vrai retour sur investissement et un modèle économique profitable peuvent réellement se mettre en place, que ce soit au niveau d’une en reprise, d’une zone d’activités ou même d’une collectivité territoriale.

Tout d’abord, plusieurs écueils se mettront en travers de notre chemin :

L’engagement de l’écosystème

Que se soient les employés de l’entreprise, les services en charge de la RSE, les collectivités territoriales ou les autorités organisatrices, rien ne peut se faire sans un engagement fort et transverse de tous ces acteurs. C’est pourquoi il est si nécessaire de les engager dès les phases amont de diagnostic et de recherche des solutions.

Ambassadeurs, découverte et communication

Lorsque la participation des employés est effective dès les premières phases de constitution du plan, et même lorsque les taux de réponse aux différents sondages et consultations sont importants, il est rare qu’on puisse compter sur plus de 10 à 15% de personnes qui seront effectivement prêtes à changer leurs pratiques. Il faut donc transformer ces quelques pourcents de « early adopters » en ambassadeurs capables de susciter l’engagement des 80% restants.
On change rarement ses habitudes sans une phase initiale de découverte et d’essai. À charge aux animateurs du plan de mobilité d’organiser ces découvertes et d’encourager l’essai avec le cortège d’actions incitatives et la ludification qui s’imposent.
En final il s’agira non seulement de déployer de nouveaux savoir-faire, mais de le faire savoir en communiquant sur les expériences vécues et les différentes manières de résoudre les problèmes ponctuels qui ont pu se poser.

Utilisabilité et maîtrise d’usage

Beaucoup de bonnes idées ou de bonnes solutions meurent de ne pas avoir été adoptées à cause d’une utilisabilité médiocre de l’implémentation qui en est faite. Ce risque peut être grandement minimisé si une validation très rapide en amont est faite à chaque itération de développement. Validation des process, des interfaces utilisateur, impact sur l’appétence et l’attractivité pour les futurs utilisateurs constituent les jalons à ne pas oublier. Le choix de fournisseurs, sous-traitants et partenaires de confiance et partageant les mêmes valeurs se révèlera fondamental.
Cet accompagnement fait apparaître un nouveau métier à côté des maîtres d’ouvrage et des maîtres d’œuvre : la maîtrise d’usage, qui se concentrera sur les questions d’adoption, de correction et d’amélioration de l’utilisabilité des solutions offertes.

Duplicabilité

Lorsque des solutions existantes, ayant fait leurs preuves dans d’autres contextes, sont envisagées se pose la question de transposer leur application à un nouvel environnement. Il ne faut pas sous-estimer cette phase, et l’aborder sous différents aspects.
– L’adaptation technologique de la solution, en terme de serveurs, d’applications et de matériel
– L’adaptation fonctionnelle, si des extensions s’avèrent nécessaires
– La compatibilité et l’intégration avec les outils et les moyens existants, par exemple l’adaptation des interfaces ou des APIs
– La conformité aux règlements locaux, et les évolutions nécessaires pour mettre en place par exemple une politique d’incitation ou de régulation
Un retour d’expérience direct de la part des personnes ayant déjà déployé la solution sera très utile pour capitaliser sur leur pratique et éviter facilement quelques erreurs.

Mesure des résultats

Enfin, comme tout projet bien dirigé, des métriques sont à mettre en place pour d’une par se fixer des objectifs, et d’autre part mesurer leur progression et leur atteinte. En cas de divergence avec la dynamique des objectifs fixés, des mesures correctives peuvent être mises en place rapidement, toujours dans l’optique d’une gestion agile du projet.

Soutenabilité économique

Les solutions déployées génèrent des besoins d’investissement financier pour leur développement et leur mise en place, et des besoins de financement opérationnel pour leur fonctionnement, leur entretien et leurs évolutions. Il convient de réaliser un plan financier qui garantira le bon équilibre de l’ensemble, mettra en évidence les axes économiques et entrepreneuriaux à travailler et identifiera les retours sur investissement directs et indirects, financiers ou autres.

Économiser sur les coûts de sa flotte d’entreprise, réduire la fatigue liée aux trajets pendulaires, l’absentéisme et les accidents domicile/travail, insuffler une dynamique participative nouvelle au sein de l’établissement et de son écosystème, développer une image attractive pour de nouveaux embauchés sont autant d’éléments à faire entrer dans l’équation.

Il apparaît clairement qu’entreprendre un plan de mobilité ne peut se justifier pour une entreprise ou un groupement d’entreprises – et avec la collaboration des collectivités territoriales – que par des retours sur investissement positifs, qu’ils soient financiers, sociaux ou en terme d’image. Ceci est d’autant plus vrai si les sanctions restent peu coercitives. Voyons donc si la prochaine Loi d’Orientation des Mobilités apporte des éléments nouveaux qui renforceraient l’attractivité de cette démarche.

C’est en tous cas un bon outil pour faire évoluer les usages et les comportements, faisons-le vivre.

Gilles Betis, OrbiCité
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Crédits photos : Pixabay, Flickr, Flickr, Pixabay

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